Au cours des dernières années, beaucoup d’efforts ont été mis sur la normalisation des activités de gestion de la santé et de la sécurité du travail (SST). Mais la vraie question que nous devons nous poser est : prises individuellement, toutes ces normes tendent à améliorer l’aspect unique de la SST, cependant qu’en est-il des impacts sur la gestion de l’entreprise?1
Dans ce contexte, l’approche basée sur le développement durable semble tenir compte de cette dichotomie entre les normes spécialisées (comme ISO 14 001) et les besoins réels des entreprises d’intégrer tous les efforts d’amélioration dans la gestion de leurs opérations. C’est ce que la norme BNQ 21 000 tente de résoudre.
Cette « nouvelle »2 norme aborde le développement durable sous un angle environnemental (évidemment), mais aussi aux niveaux social et économique. BNQ 21 000 propose aux entreprises d’amorcer une démarche concrète dans l’élaboration de leurs guides de gestion.
En soi, la norme elle-même demeure un énoncé de principes de gestion qui prendront tout leur sens grâce aux outils qui seront développés en support à son déploiement.
Un de ces outils est une grille d’autoévaluation qui propose une approche de l’entreprise à un niveau « micro » qui, lui-même, peut être divisé en quatre grands thèmes :
- transversal (ex. vision, mission et valeurs, stratégie de l’organisation, etc.);
- économique (ex. rentabilité, pérennité de l’organisation, principes d’investissement, etc.);
- social (ex. conditions de travail, développement des compétences, santé et sécurité au travail);
- environnemental (ex. gestion des matières premières résiduelles, gestion des émissions de gaz à effets de serre, etc.).
Dans le cadre de la norme BNQ 21 000, cette approche permet d’anticiper la progression de la maturité culturelle des pratiques de gestion. Concrètement, il est question d’aligner les réalités « micro » de l’entreprise vers les préoccupations « macro » du développement durable.
L’importance d’être aligné sur la culture de l’entreprise
Le modèle de progression ci-dessous, représenté par la grille d’autoévaluation, est inspiré par des travaux sur la progression de la culture de santé et de sécurité dans les entreprises.
Illustration : Modèle conceptuel d’évolution de la culture d’entreprise1
Ce modèle d’évolution de la culture d’entreprise progresse en fonction de la réceptivité et de l’attention que l’entreprise accorde à ces enjeux, par exemple les méthodes d’achat et d’approvisionnement, les conditions de travail ou les pratiques en santé et sécurité au travail.
Lire aussi : Comment implanter une culture SST?
À ce stade, il est intéressant de noter que les modèles couramment utilisés lors d’un changement de culture de la santé et de la sécurité sont applicables à cette approche.
En effet, si on révise le modèle présenté par Vernon Bradley, membre du groupe de recherche de la compagnie Dupont dans les années 1990, on remarque que la progression de la culture d’entreprise passe par quatre grandes étapes, à savoir :
- la réactive (on atteint un évènement et on réagit),
- la dépendance (on introduit des mécanismes d’amélioration des processus),
- l’indépendance (on met en place des moyens de gérer l’organisation),
- l’interdépendance (on intègre les valeurs de gestion de la SST dans les processus de gestion de l’entreprise).
Le modèle de Bradley et la norme BNQ 21 000
Sans rentrer dans les détails de la courbe de Bradley, on peut voir une évolution parallèle entre les deux modèles, à une différence près.
Dans le modèle de Bradley, l’évolution de la culture est quelque peu linéaire et continue. Pour sa part, le modèle proposé dans le cadre de la norme BNQ 21 000 montre que cette évolution suivrait des étapes en paliers et même qu’il y aurait une brisure dans cette évolution. Ce modèle pourrait sans doute expliquer pourquoi des entreprises atteignent des plateaux dans leur évolution et qu’elles stagnent à des niveaux de culture qui sont inférieurs à leurs efforts.
Cette très courte introduction à la norme BNQ 21 000 permet donc d’envisager comment une entreprise pourrait intégrer un changement de culture intégrale de ses processus de gestion en utilisant un seul cadre d’opération. Cette norme québécoise, largement méconnue, est sans doute la seule norme qui permet une approche non seulement holistique, mais aussi basée sur des principes de développement durable.
1. Cet article est largement inspiré et tiré du Manuel de gestion du développement durable en entreprise : une approche progressive – en appui à la norme BNQ 21 000; Jean Cadieux et Michel Dion, Groupe Fides Inc. (2012).
2. La norme BNQ 21 000 a été publiée pour la première fois en 2011.